Alexander von Humboldt, né en 1769 et décédé en 1859, est un naturaliste, géographe et explorateur allemand. Frère du philosophe et fonctionnaire d’État prussien Wilhelm von Humboldt (1767-1835), Alexander von Humboldt va, avec ce dernier, marquer son siècle et l’histoire des sciences, et ce, au sein de différentes disciplines, son frère Wilhelm étant considéré comme l’un des fondateurs de la linguistique moderne. Après une formation dans les Universités de Francfort-sur-l’Oder et de Göttingen, ainsi qu’à l’Académie de commerce de Hambourg et à l’École des Mines de Freiberg, Alexander von Humboldt entre à partir de 1792 au service des mines de la Prusse. C’est dès cette même année qu’il mène et publie parallèlement ses premiers travaux en géologie, en chimie ou encore en botanique, qui le font rapidement connaître.
En 1799, Humboldt obtient une autorisation du roi d’Espagne Charles IV pour visiter les colonies espagnoles d’Amérique. Ainsi, de 1799 à 1804, il entreprend, en compagnie du botaniste français Aimé Bonpland (1773-1858), un important et désormais célèbre voyage dans la zone tropicale du « Nouveau monde » (terme qui désigne, au XVIe siècle, les continents de l’Amérique et de l’Océanie, alors récemment découverts par les Européens) et plus particulièrement en Amérique du sud et au Mexique. L’objectif est de mener une étude approfondie sur ce continent, tant dans le domaine de la géographie que de la botanique, l’océanographie, la minéralogie, le volcanisme ou encore l’économie poli-tique. L’ensemble des observations et des données scientifiques recueillies lors de cette expédition seront présentées dans un ouvrage intitulé Voyage aux régions équinoxiales du Nouveau Continent, publié en trente volumes entre 1807 et 1834.
Ce voyage et les nombreuses publications qui en résultent ont plusieurs conséquences sur l’œuvre et les recherches de Humboldt. D’une part, à l’issue de ce voyage, et du fait de la qualité de ses observations et des données scientifiques recueillies, Humboldt sera considéré comme le fondateur des explorations scientifiques modernes. D’autre part, en croisant les altitudes, la luminosité, l’humidité, les variations de température et les formations végétales dans son étude sur les plantes, il devient l’un des précurseurs de la bio-géographie. Enfin lorsqu’il tente de caractériser chaque peuple qu’il rencontre, il se montre anthropologue et linguiste. À partir de l’étude de nombreuses archives accumulées par les Espagnols depuis leur conquête, il s’attache à mettre en lumière toute la richesse et l’ancienneté de la civilisation indienne, dénonçant par là même le colonialisme et l’esclavagisme : deux thèmes chers à J.-M. G. Le Clézio, très présents dans sa vie et dans ses œuvres, et qui justifient certainement l’intérêt qu’il porte à ce géographe.
Au XIXe siècle, la géographie, en s’imposant définitivement comme une discipline universitaire, entraîne une séparation et une nouvelle structuration des différentes sciences jusque-là abordées par Humboldt. Ce dernier, ayant toujours prôné une approche totalisante (mais non systémique) qui met en évidence des interactions entre différentes disciplines, occupe alors un statut de plus en plus « inclassable » aux yeux des scientifiques de son époque. N’étant plus reconnus comme un modèle scientifique, ces travaux ne suscitent, dès lors, que peu d’intérêt à partir de cette période, et ce jusqu’au tout début du XXIe siècle, où l’œuvre d’Alexander Von Humboldt connaît un regain d’intérêt au sein de cette même communauté scientifique. En effet, les nouveaux questionnements nés de la relecture/redécouverte de ses travaux (à l’occasion du bicentenaire de son expédition), notamment sur l’idée d’équilibre bio-géographique entraînent la réédition de plusieurs volumes de son ouvrage. De nombreux scientifiques reconnaissent alors que l’un des points forts de Humboldt est d’avoir su montrer, contrairement à ce qui était couramment admis au XIXe siècle, comment « faire de la science sans séparer » (Helmreich, Hossard et Velut, 2002).
C’est en 1803 que Humboldt se rend au Mexique, où il reste jusqu’en 1804. Il y visite de nombreuses villes, dont Mexico, Acapulco ou encore Vera Cruz, dont il donne une description géomorphologique et statistique célèbre dans un volume paru en 1808-1809, intitulé Plantes équinoxiales recueillies au Mexique : dans l’île de Cuba, dans les provinces de Caracas, de Cumana et de Barcelone, aux Andes de la Nouvelle Grenade, de Quito et du Pérou, et sur les bords du rio-Negro de Orénoque et de la rivière des Amazones. C’est ce même volume que J.-M. G. Le Clézio parcourt lors de son affectation de service civil à l’Institut français d’Amérique latine à Mexico, en 1967, année de sa découverte du Mexique. Cette lecture lui permet de constater que l’architecture du pays, transformée par les conflits et les conquérants, n’est plus telle que la décrit Humboldt. En revanche, il est touché de constater que le peuple mexicain a su préserver les traditions de la civilisation indienne, dont le géographe avait souligné toute la richesse.
Le nom de Humboldt apparaît dans Ourania, cité par Don Thomas Moises, le directeur du centre de recherche l’Emporio, lorsqu’il donne des conseils au géographe Daniel Sillitoe pour la préparation d’une conférence : « Vous pourriez parler de Humboldt, ou de Lumholtz, l’auteur du Mexico desconocido, vous savez qu’il est passé par ici, il a même logé au presbytère de San Nicolas, avant de s’aventurer dans la sierra tarasque » (OU, 72). À noter que le nom de Humboldt est cité en même temps que celui de l’explorateur et ethnographe Lumholtz (1851-1922), qui réalisa également une exploration au nord du Mexique en 1890. En citant le nom de Humboldt, Don Thomas fait bien évidemment référence à la célèbre expédition du géographe en Amérique du sud et plus particulièrement au Mexique. D’autant plus que les travaux de Humboldt menés au Mexique (essentiellement des relevés géomorphologiques, botaniques et statistiques) n’étaient pas très éloignés de ceux de Daniel Sillitoe, venu dans le pays pour réaliser un relevé pédologique de la Vallée du Tepalcatepec. Et c’est très certainement en relation avec les travaux du géographe allemand que le héros d’Ourania invite les habitants de la vallée à ne pas épuiser, par la culture intensive, la terre, « notre peau », que les peuples autochtones avaient su protéger.
Pierre-Louis Ballot
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
HUMBOLDT, Alexander von et BONPLAND, Aimé, Voyage aux régions équinoxiales du Nouveau Continent, 30 vol., Paris, 1807-1834 ; Plantes équinoxiales recueillies au Mexique : dans l’île de Cuba, dans les provinces de Caracas, de Cumana et de Barcelone, aux Andes de la Nouvelle Grenade, de Quito et du Pérou, et sur les bords du rio-Negro de Orénoque et de la rivière des Amazones, vol.1 et 2, Paris, Frédéric Schoell, 1808-1809 ; HOOCK, Jochen, 2003, « Humboldt, Wilhem von ; Humboldt, Alexander von », in Lévy J. et Lussault M., Dictionnaire de géographie, Paris, Belin ; LASSEUR, Maud, « Humboldt : le retour d’un père de la géographie », Les Cafés Géographiques. [En ligne] | 2002, consulté le 22 décembre 2014. URL : http://cafe-geo.net/wp-content/uploads/humboldt-pere-geographie.pdf ; LE CLÉZIO, J.-M. G., Ourania, Paris, Gallimard, Folio, 2006 ; « Mexique, la magie de la mémoire », Le Monde, Paris, 2009 (12 mars).