CHAZAL (DE) MALCOLM

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Bibliographie et abréviations
Auteurs

Malcolm de Chazal, né en 1902 et décédé en 1981, n’a été que brièvement connu en France par le biais de deux œuvres publiées chez Gallimard : Sens-Plastique en 1947 et La Vie Filtrée en 1948. Jean Paulhan y avait trouvé des étincelles de génie et André Breton faillit accueillir Chazal comme le poète portant un deuxième souffle au surréalisme, si Chazal n’avait été déiste. Finalement ce sera dans son île natale qu’il n’aura quittée que le temps d’études d’ingénierie agricole à Bâton-Rouge, que la carrière artistique de Chazal sera particulièrement riche et multiforme. À son décès à 79 ans, Malcolm de Chazal avait produit 54 ouvrages dont 7 volumes d’aphorismes, 26 essais métaphysiques, quelques essais d’économie politique, des pièces de théâtre et des recueils de poèmes. À cela, il convient d’ajouter les 980 chroniques de presse parues dans divers journaux entre 1948 et 1978 et les milliers de peintures réalisées à partir de 1957. Depuis, la publication de plusieurs tapuscrits et/ou manuscrits, alors inédits, sont venus porter le nombre d’ouvrages disponibles à 62 dont des recueils de contes, de nouvelles et des pièces de théâtre. D’autres manuscrits attendent d’être publiés et d’autres encore sont certainement dans des greniers ou des tiroirs tant Malcolm de Chazal aimait donner des textes encore tout frais à ses connaissances.

Ingénieur en technologie sucrière, formé de 1918 à 1924 à Bâton-Rouge (Louisiane, États-Unis), Malcolm de Chazal « jette son diplôme aux orties », selon sa formule, après quelques tentatives infructueuses d’insertion professionnelle à Maurice, faute de pouvoir s’entendre avec les magnats sucriers. Devenu simple fonctionnaire pendant vingt ans (1937-1957) dans un obscur département chargé de l’électricité et du téléphone, Malcolm de Chazal est libre… Pauvre, mais libre de dénoncer l’industrie sucrière locale dans des essais entre 1937 et 1941, de créer des aphorismes par milliers entre 1940 et 1947, d’entrer en dialogue avec une fleur d’azalée qui se met à communiquer un matin de la fin des années 1940, d’approfondir les révélations que lui transmet un soir de 1950 le poète et ami Robert-Edward Hart quant à l’existence au-dessous de Maurice d’un continent englouti. Chazal reçoit cette information comme un choc, un séisme personnel : ce continent, la Lémurie, aurait été habité par des géants qui sculptaient dans les montagnes des enseignements essentiels. Chazal se met alors à scruter les montagnes mauriciennes pour y lire l’évangile de la pierre et en faire le socle de son œuvre dense et foisonnante. Petrusmok en 1951 est l’île revisitée, reconquise grâce au mythe lémurien. Jusqu’en 1957, dans des écrits traversés de fulgurances, Malcolm de Chazal poursuit une quête vers l’absolu, que son éducation dans le culte swedenborgien va alimenter et porter vers le cosmique même s’il ne fréquente plus personnellement cette église. La peinture, découverte grâce à une fillette de 8 ans, vient remplacer la plume dès 1957 et lui permet de traduire en une forme picturale propre à lui, une métaphysique que les mots ne lui auraient pas permis d’exprimer.

Lorsque le prix Nobel de littérature fut attribué à Jean-Marie Gustave Le Clézio en 2008, bien des Mauriciens ne purent s’empêcher de mêler à leur bonheur une pensée en parallèle pour Malcolm de Chazal, car cette distinction avait souvent été évoquée en ce qui le concerne. La considération que Chazal portait au Nobel était, pour le moins, ambiguë. Autant s’était-il multiplié en appréciations positives pour Gide, Einstein, Elliot, Saint-John Perse, autant avait-il fait preuve de réserve lorsque ce fut le tour de Camus en 1960. Puis vint l’épisode d’un Chazal « nobélisable » et, éventuellement, nobélisé. Le 25 octobre 1969, il révèle au quotidien Le Mauricien qu’il a accepté une interview et un reportage sur lui dans « un seul et unique but : introduire [sa] candidature au Prix Nobel » l’année suivante en précisant : « le Prix Nobel lui-même m’indiffère. Ce qui m’intéresse, c’est la somme allouée au lauréat, à savoir Rs. 400 000 ». Il est question à nouveau du Nobel en 1974 : dans Le Mauricien du 5 septembre 1974, interrogé sur l’éventualité que son nom soit officiellement proposé, Chazal répond : « À Paris, tout le monde dit que j’aurais le Prix Nobel cette année. On parle même de certitude. » Le sujet revient au premier plan suite à sa réponse à des parlementaires francophones, relatée par le quotidien mauricien l’Express du 9 octobre 1975 : « Si j’obtenais le Prix Nobel, les gens diraient qu’il y a eu un égarement à Stockholm, qu’on s’est trompé. » Léopold Sedar Senghor, qui semble avoir été le promoteur d’une can-didature de Chazal au Nobel, alla jusqu’à exprimer publiquement son admiration pour Chazal lors du banquet à Maurice en l’honneur des chefs d’État participant au Sommet de l’OUA (propos rapportés dans l’édition du 5 juillet 1976 du quotidien Le Mauricien) en évoquant ce « poète qui a fortement marqué la littérature contemporaine » et regrettant « que le Prix Nobel ait oublié Chazal. »

L’admiration que Malcolm de Chazal portait à Jean Marie Gustave Le Clézio est indéniable. Les deux articles joints, que Chazal publie dans le quotidien mauricien Advance le 7 novembre 1963 : « La destinée de M. J. M. G. Le Clézio. Une grande leçon mauricienne » et le 20 mars 1964 : « M. Gustave Le Clézio - Le poète et le voyant », sont de vibrants hommages à Le Clézio qu’il considère comme « un visionnaire, donc un homme qui ne masque pas sa pensée avec des mots », devinant en lui, après lecture du Procès-verbal, « le plus grand écrivain révolutionnaire des temps actuels » capable de nous emmener « au-delà de Lautréamont. » Ceci dit, Chazal ne peut s’empêcher d’inscrire l’ouvrage de Le Clézio dans une sorte de prolongement de la brèche qu’il aurait lui-même ouverte en littérature française avec Sens-Plastique sous la houlette du même Jean Paulhan qui avait déclaré découvrir en Chazal un génie.

Au regard de Chazal, il convient de juxtaposer celui de Le Clézio qui, à deux reprises, s’exprime sur l’œuvre de Chazal : en 2002 dans le Spécial Chazal de la revue mauricienne Italiques célébrant le centenaire de Malcolm de Chazal et dans lequel il affirmait : « Que cet anniversaire de la date lointaine de sa naissance ne nous trompe point. Malcolm de Chazal est toujours au-devant de nous », et en 2011 dans Le Monde des Livres où il rappelle le « lien incroyablement charnel qui unit pour toujours le poète de l’infini et du chaos de la Lémurie à ce petit morceau de volcan jailli de l’océan il y a cent millions d’années. »

Il ne semble pas que ces deux hommes se soient jamais rencontrés : ils auraient eu tant de choses à échanger, notamment concernant cette variante de soufisme que Le Clézio a détectée dans l’œuvre de Chazal « par l’affirmation de l’unité et de l’universalité de Dieu… visage qui n’a pas de nuque » (Italiques, 2002) et la force sismique qu’il dégage de Petrusmok, cette revisite de l’île publiée par Chazal en 1951.

Robert Furlong

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

CHAZAL (de), Malcolm, Sens-Plastique, Paris, Gallimard, 1948 ; La Vie filtrée, Paris, Gallimard, 1949 ; Poèmes, Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1968 ; Histoires étranges et Fabliaux de colloques magiques, Arma-Artis, 2011 ; Contes de Morne Plage, Port-Louis, Vizavi, 2012 ; Petrusmok, Paris, Léo Scheer, 2004 ; LE CLÉZIO, J.-M.G., « Sur Malcolm de Chazal, Italiques, Le Magazine des livres 8, 2002, p. (9-15) ; « Le Génie éloigné », Le Monde des livres, 10 novembre, 2006, p. 4 ; « Malcolm de Chazal, poète sous tension », Le Monde des livres, 6 octobre 2011, p. 1-2 ; VIOLET Bernard, À la rencontre de Malcolm de Chazal, Paris, Philippe Rey, 2011 ; La Princesse et le dromadaire, Paris, Philippe Rey, 2011 ; Fondation Malcolm de Chazal, www.malcolmdechazal.mu. Voir aussi ces deux textes de M. de Chazal sur J.-M.G. Le Clézio : La destinée de M. J. M. G. Le Clézio (Une grande leçon mauricienne) (document externe) ; M. Gustave Le Clézio - Le poète et le voyant (document externe).