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La nouvelle « Trésor » fait partie du recueil Coeur brûle et autres romances, publié en 2000 et composé de sept nouvelles dont les protagonistes appartiennent à différentes nationalités et classes sociales.
« Trésor » est un texte organisé en deux récits, situés en Jordanie. Le premier récit fonctionne comme un cadre qui présente le protagoniste, le jeune Samaweyn, dernier descendant du glorieux passé de Petra. Les faits de ce temps passé sont relatés par un narrateur absent de l’histoire qui raconte : en ce temps-là la nature était bénéfique et dans ce décor édénique, les habitants vivaient et travaillaient heureux, en harmonie et dans l’abondance. Il y avait toutefois un interdit : les étrangers ne pouvaient pas s’approcher du « Trésor » – de fait un gigantesque tombeau royal construit par les Nabatéens, dont le trésor palpable consiste en son architecture.
Ce trésor défendu assure le lien avec le second récit intercalé qui, à l’inverse du premier dont la chronologie n’est pas définie, commence avec des indications temporelles et géographiques précises : « Eldjy, hiver 1990 » (157). Dans ce récit enchâssé, le narrateur homodiégétique est un étranger répondant au nom de John Burckhardt qui, à l’instar de son ancêtre, John Burckhardt, l’explorateur suisse qui a redécouvert la ville cachée de Petra en 1812, « pénètre à nouveau dans le mystère du temps » (157).
Passé et présent alternent dans le récit, car le jeune narrateur raconte ce qu’il lit dans le journal de son aïeul alors qu’il avance sur les traces de ce premier explorateur. Mais à l’opposé de ce dernier, venu pour dérober le secret des morts et prendre possession du trésor, le narrateur contemporain, dans une démarche interculturelle, manifeste une attitude de croyant en osmose avec l’espace sacré.
En fait, le va-et-vient entre le passé et le présent exprime dans ce récit la marche du narrateur-protagoniste en direction du secret de son origine et, par conséquent, de l’origine du monde: dans ce lieu qu’il considère sacré, il découvre les vestiges d’une autre époque et a le sentiment d’avoir eu accès au « temps suprême du mythe » (Cavallero, 2004, 41). En effet, sur ce parcours du narrateur en direction du secret de Petra, l’on peut trouver de nombreuses allusions au mythe, et plus particulièrement au mythe des origines du monde, à ce lieu paradisiaque originel.
Si, d’un côté, l’émotion du protagoniste est évidente durant le parcours, d’un autre côté, sa perspective rationnelle appréhende la réalité quotidienne des années 1990 : les répercussions du conflit armé connu sous le nom de Guerre du Golfe, le vrombissement des bombardiers américains au milieu des touristes de différentes nationalités, le monument, classé patrimoine de l’humanité par l’UNESCO en 1985, étant désormais ouvert au public qui, sans se préoccuper de la guerre en Irak, parle à voix haute, prend des photos et se masse autour des échoppes de souvenirs précairement établies sur le site. Ces souvenirs qui mêlent objets locaux et produits dérivés de l’occident : casquettes, sodas et gommes à mâcher, indiquent une légère mais néanmoins significative manifestation de la mondialisation.
Mais, en dépit de ces références à la réalité banale et profane, la fin de ce récit intercalé, affirme le triomphe du mythe et du sacré, ce que corroborent les paroles du John Burckhardt imaginaire : « Ici, à Petra, je suis tout près de l’entrée, à la porte même d’un autre monde [...]. Ailleurs, la guerre dévore les hommes, assassins honteux et maudites victimes, mais dans cette vallée vivent toujours les esprits » (174). Cette constatation montre un narrateur venu du monde occidental et rationnel, néanmoins totalement pétri de culture orientale.
L’interculturalité se retrouve de façon inversée lors de la reprise du premier récit qui a comme protagoniste le « dernier des Samaweyn ». Le regard du garçon est toujours tourné vers l’occident, en direction du lieu où son père est parti en quête d’une nouvelle vie et où il a terminé ses jours. Pour lui, le véritable trésor est contenu dans la valise héritée de son père qui contient des lettres et des photos retenues par une ficelle. Outre le souvenir du père, la mémoire de Samaweyn est hantée par l’image de deux femmes occidentales : la première est celle qu’il se choisit comme mère, sa mère naturelle étant morte pendant l’accouchement ; la seconde l’élira comme guide parmi d’innombrables autres enfants. Figures maternelles, ces blondes étrangères éveillent le rêve de l’occident.
Toutefois, la reprise de ce premier récit, après l’insertion du second qui fait revivre l’explorateur John Burckhardt par l’intermédiaire de son descendant, introduit un changement de perspective narrative: le narrateur hétérodiégétique du début semble suivre le flux du récit du John Burckhardt fictif et Samaweyn devient à son tour le narrateur-protagoniste d’un récit autodiégétique (Genette, 1972, 252-253).
Toujours à rêver de l’Occident, il engage néanmoins une réflexion sur Petra, la ville des esprits, qui de fait le conduit à se fondre progressivement avec le « je » du narrateur John Buchardt. Dès lors qu’il commence à se promener dans la vallée en quête d’éléments invisibles, il décide de rester là, « à veiller sur le bien des esprits. » (188).
Cette prise de responsabilité par rapport à la préservation de la culture de son pays va dans le sens de la pensée de l’auteur qui refuse qu’aucune culture ne soit « réduite au silence » : « La littérature, c’est favoriser quelque chose dont on ne parle pas beaucoup, qui est absolument indispensable : l’interculturalité. Toutes les cultures doivent communiquer entre elles, il ne doit pas y avoir de culture dominante. » (2008)
Ana-Luiza Camarani
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CAMARANI, Ana Luiza Silva, « L’écriture de la nouvelle, du conte, du mythe et la question du réalisme magique dans ‘Trésor’ », Les Cahiers J.-M.G. Le Clézio n°2 : Contes, nouvelles et romances, Paris, Complicités, 2009 ; CAVALLERO, Claude, « Sur les traces de J.-M. G. Le Clézio » in JOLLIN-BERTOCCHI, Sophie, THIBAULT, Bruno, (coords), Lectures d’une œuvre : J.-M. G. Le Clézio, Nantes, Éditions du Temps, 2004 ; LE CLÉZIO, J.-M.G., « Trésor », Cœur brûle et autres romances, Paris, Gallimard, 2000 ; Le Clézio, porte-parole du dialogue entre les cultures, conférence de presse, Stotockholm, 2008 https://www.actualitte.com/article/monde-edition/le-clezio-porte-parole-du-dialogue-entre-les-cultures/6420 consulté le 3 mars 2017 ; GENETTE, Gérard, Figures III, Paris, Seuil, 1972.