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« L’Échappé » (La Ronde et autres faits divers, 1982) raconte l’histoire de Tayar, évadé d’une prison du Sud de la France, qui fuit à travers un paysage désertique de hauts plateaux dans les Alpes Maritimes. Au cours de son évasion, il se remémore des épisodes de son enfance passée en Algérie, où il a connu la vie tranquille des bergers et les combats dans les Aurès. Assailli par la faim, le froid et la fatigue, Tayar se réfugie au fond d’une doline où un jeune garçon le trouve. L’enfant lui apporte à manger, mais finit par signaler son existence aux autorités. La nouvelle se termine sur l’image de Tayar, immobile, contemplant l’horizon depuis le bord de la doline, tandis que des hommes en uniforme guidés par le jeune garçon s’avancent peu à peu vers le fugitif.
Fonctionnant initialement sur un schéma simple (la fuite d’un homme), la structure de cette nouvelle devient complexe : les repères spatio-temporels du récit se brouillent, car au temps présent du récit, narrant l’évasion de Tayar, s’ajoute celui du passé, renvoyant à l’enfance en Algérie, sans que les deux soient toujours bien distincts. De la même façon, l’espace du présent, un paysage désertique des Alpes Maritimes, rappelle celui du passé, les Aurès. Ce brouillage est accentué par l’onomastique : le personnage s’appelle Tayar dans le récit présent mais Aazi, un diminutif, dans celui du passé.
La nouvelle présente une des figures topiques dans l’œuvre de Le Clézio, tout particulièrement dans le recueil La Ronde et autres faits divers : le marginal traqué par la société. Il fuit ses poursuivants suite à son évasion, comme il tentait autrefois de fuir les soldats qui voulaient le tuer, alors qu’il était un jeune berger dans les Aurès. Rien ne vient préciser si Tayar a été emprisonné à tort ou à raison, mais le personnage apparaît comme une victime dans un système où l’entraide n’existe pas ou reste toujours fragile. Seule la mort, métaphorisée, semble-t-il, dans les dernières lignes du texte par l’image du « chemin de lumière » dessiné par le soleil couchant, pourrait peut-être apporter une libération en annonçant la possibilité, dans l’au-delà, d’un monde meilleur.
Le récit peut aussi proposer un questionnement sur l’événement qui anime tout le recueil La Ronde et autres faits divers, où chaque nouvelle trouve son origine dans un entre-filet paru dans la presse. « L’Échappé » fonctionne en effet selon un procédé de répétition : à l’espace des Alpes Maritimes correspond celui des Aurès ; les souffrances de Tayar adulte lui rappellent celles qu’il a éprouvées lorsqu’il était un enfant jeté au milieu d’un conflit. En outre, la présence d’un enfant à la fin de la nouvelle insiste sur cet effet de circularité, puisque Tayar prend par moments ce jeune garçon pour son double venu du passé. Ainsi Le Clézio ne paraît pas vraiment insister sur un seul fait (l’évasion d’un homme), et ne l’inscrit pas dans une temporalité et un lieu précis : par ce système de répétition, l’auteur fait de Tayar un archétype, le symbole de la Souffrance de l’homme traqué, poursuivi par les représentants inexorables de l’autorité.
Enfin, « L’Échappé » suggère des pistes de réflexions autour de la thématique de la nature. La nature est dans ce récit un élément en partie hostile : le paysage, désertique, exacerbe la souffrance de Tayar, qui bute sur les cailloux et les arbustes, est aveuglé par la lumière du soleil et souffre du froid particulièrement rigoureux. Toutefois cette nature est aussi un lieu de ressourcement : lorsqu’il pose étroitement contre sa poitrine une pierre à la forme triangulaire, la « pierre de la faim », le personnage parvient à oublier son épuisement tandis que la lumière du soleil à la fin du texte est ce signe ambivalent de mort et de ressourcement.
Claire Colin
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
BORGOMANO, Madeleine, « Le voleur comme figure intertextuelle dans l’œuvre de J.-M. G. Le Clézio », in Lectures d’une œuvre, J.-M. G. Le Clézio, collectif coordonné par Sophie Jollin-Bertocchi et Bruno Thibault, Nantes, éditions du temps, 2004, p. 19-30 ; COLIN, Claire, L’Événement dans la nouvelle contemporaine, thèse de doctorat soutenue à l’Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3, 2013 ; GLAZIOU, Joël, La Ronde et autres faits divers de J.-M. G. Le Clézio, Paris, Bertrand-Lacoste, coll. « Parcours de lecture », 2001 ; ThibauLt, Bruno, « Immigration clandestine et marginalité », in J.-M. G. Le Clézio et la métaphore exotique, Amsterdam-New-York, Rodopi, coll. Monographique Rodopi en Littérature Française Contemporaine, 2009, p. 115-116.