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L’État du Chiapas est situé au sud-est du Mexique, sur le haut plateau central de la Sierra Madre del Sur, au nord du fleuve Usumacinta, à l’est de l’État de Oaxaca, au sud de l’État de Tabasco et de la péninsule du Yucatan et à l’ouest du Guatemala. Au sud, il est bordé par l’océan Pacifique. Bénéficiant d’un climat tropical et partagée entre la côte, les vallées, les montagnes et la forêt tropicale, cette région représente une biodiversité exceptionnelle (Rosier, 2008, 224). La capitale du Chiapas est Tuxtla Gutierrez.
Selon le dernier recensement de l’Institut national mexicain de la statistique et de la géographie (INEGI) en 2010, l’État compte 4 796 580 habitants sur une superficie de 73 289 km2. Très riche en diversité ethnique, il comporte 12 groupes d’Amérindiens : Tzeltal 37,9%, Tzotzil 34,5%, Chol 16%, Zoque 4,5%, Tojolabal 4,5%. Le reste de la population autochtone (2.6%) est constitué des groupes Lacandon, Kanjobal, Mame, Chuj, Jacalteco, Katchikel et Mocho. L’État dispose de nombreuses ressources naturelles : il fournit 35% de la production nationale, 50% du gaz naturel, 55% de l’énergie hydroélectrique du pays et à peu près 30% du pétrole mexicain, et pourtant il est l’état le plus pauvre du Mexique. Son économie s’appuie aussi sur les produits agricoles – le café, le cacao, le maïs, la banane, la mangue, le sucre et les piments – lesquels profitent uniquement aux grands propriétaires terriens qui exploitent la main-d’œuvre autochtone.
Terre de révolte, la région a été témoin de nombreuses rébellions dont celle des Tzendales du village Cancuc en 1712. Dans Le Rêve mexicain, Le Clézio y fait allusion en parlant des mouvements de résistance ayant comme motif principal le « refus du clergé espagnol » (RM, 184).
Mais la révolte la plus marquante est celle de l’Armée zapatiste de libération nationale (E.Z.L.N.) dirigée par Rafael Sebastián Guillén Vicente dit « le sous-commandant Marcos ». La révolte éclate symboliquement le 1er janvier 1994, date de la mise en vigueur de l’Accord de libre-échange nord-américain entre le Canada, les États-Unis et le Mexique (ALENA), signé au village San Andrés Larrainzar. Cet accord confronte les paysans chiapanèques à une crise sans précédent (Collier, 2005, 207-208). Les Zapatistes revendiquent alors les terres cultivables, la reconnaissance des cultures indigènes, le droit à la démocratie et à la justice et font entendre ainsi leur cri de « Ya Basta! » (Ça suffit) au monde entier (Mentinis, 2006, 108). Le soulèvement est réprimé brutalement par l’offensive militaire du gouvernement mexicain.
Il est impossible de parler de l’histoire de la résistance du Chiapas sans penser à Bartolomé de Las Casas (1484-1566), nommé premier évêque de l’État en 1545. Sa lutte contre l’encomienda, système réduisant les Amérindiens aux esclaves (Higgins, 2004, 36), ses écrits et ses débats, notamment la « Controverse de Valladolid » (1550-1551), mettent en cause la légitimité de la colonisation. Dans La Fête chantée, J.M.G. Le Clézio évoque cette « célèbre dispute entre Bartolomé de Las Casas et Juan Ginés de Sepulvarda à propos de la ‘nature esclave’ des Amérindiens » (FC, 165). Le Clézio considère l’évêque espagnol comme l’un des « véritables pères fondateurs de la nouvelle civilisation mexicaine » (FC, 158) et rappelle à plusieurs reprises son rôle dans la dénonciation de la cruauté des Conquérants espagnols. Il souligne également l’importance de son œuvre, Brevísima relación de la destrucción de las Indias, publiée en 1522 et traduite en plusieurs langues. Le livre fait connaître rapidement « à l’Europe la ‘Légende noire’ de la Conquête – une légende de rapines, de meurtres et de spoliations » (FC, 159). Honorant sa mémoire, la ville de San Cristobal de Las Casas, capitale culturelle du pays, porte son nom.
L’autre personnalité connue de la lutte contre la colonisation est Belisario Dominguez, médecin et sénateur du Chiapas. Dans Le Livre des fuites, Le Clézio présente ainsi le militant : « Belisario Dominguez était un député. Pour se venger de lui, Victoriano Huerta l’a fait prisonnier. Puis, il lui a arraché la langue » (LF, 279). En effet, en 1913, l’homme politique a dénoncé les crimes de Huerta dans ses discours qui, jugés « subversifs envers le régime », ont été refusés par le président. Il a donc décidé de les imprimer et de les diffuser largement, ce qui a provoqué son assassinat.
Les mentions du Chiapas dans l’œuvre de Le Clézio sont toutes liées à la dénonciation de l’intrusion des étrangers dans la vie des Amérindiens. La rencontre de l’écrivain avec cette région remonte à 1968 année de sa découverte du Mexique. Cette rencontre est si marquante (Mayer, 1998, 36) que le nom du Chiapas figure dans la plupart de ses ouvrages appartenant au cycle mexicain dont Le Livre des fuites (1969), L’Inconnu sur la terre (1978), Le Rêve mexicain ou la pensée interrompue (1988), La Fête chantée et autres essais du thème amérindien (1997) et Ourania (2006). Parmi ces écrits, Le Livre des fuites, publié peu de temps après la découverte du Chiapas par l’auteur, est l’ouvrage qui en est le plus imprégné. Le dernier chapitre du roman relate l’arrivée de Hogan dans le petit village de Belisario Dominguez, au Chiapas. Le calme régnant sur le village lui donne d’abord une image euphorique, mais ensuite désenchantée, car cette « abominable paix » provient d’une maladie qui rend les habitants aveugles. Il apprend que celle-ci est transmise par des moustiques sur les plantations de café, mais les patrons s’abstiennent de pulvériser les plantations de DDT, car cela leur « coûterait la récolte » (LF, 281). Par la description poignante de l’état dans lequel se retrouvent les habitants, l’auteur dénonce l’exploitation cruelle de ces derniers comme l’une des conséquences de l’intrusion des conquérants. L’invasion des moustiques rendant les Amérindiens semblables à des morts-vivants peut être apparentée à celle des colons qui les ont privés de leur liberté : « Les yeux opaques sont fermés sur la guerre. Mais ils ont laissé la place à une paix qui est démente, une paix qui est pire que la guerre. La souffrance tranquille pèse de tout son poids sur le village. C’est un cri qu’on a étranglé et qui est retourné à l’intérieur du corps pour le dévaster ». (LF, 284)
Le silence qui règne sur le village rappelle celui que Le Clézio déplore dans Le Rêve mexicain : « sans aucun doute l’un des plus grands drames de l’humanité » (RM, p. 212-213), car il représente la privation des Amérindiens du « droit à la pensée » (RM, p. 212-213). C’est dans cette perspective et pour mieux montrer qu’il s’agit d’un « affrontement d’idées et de cultures », au-delà d’une confrontation « de peuples et de races » (RM, 190) que l’auteur évoque l’État du Chiapas dans cet essai. L’une des raisons de la profonde rupture qui sépare la « culture matérialiste » des colons et la « culture primitive » des Amérindiens réside dans les regards différents qu’ils portent sur la question religieuse. Ainsi, pour les Tzendales du Chiapas, la religion « n’est jamais séparée du monde réel, puisqu’elle exprime l’identité du clan, de la tribu » (RM, 181). De même, « le prêtre est plus qu’un intermédiaire, il est lui-même un dieu » (RM, 183). C’est pourquoi « la plupart des mouvements de révolte, aux Chiapas en particulier, sont guidés par des chefs spirituels qui s’opposent au christianisme des Espagnols et prêchent le retour aux traditions ancestrales » (RM, 179). La rébellion violente des Lacandons en est un exemple (RM, 182).
Il est difficile de ne pas rêver en lisant les descriptions de Palenque, impressionnante cité maya. Sa construction remonterait à l’an 100 av. J.-C., mais la plupart des monuments, dont les plus célèbres, le Palais royal et le Temple des Inscriptions, ont été construits entre 600 et 760 apr. J.-C., notamment sous le règne du fameux roi K’inich Janaab’ Pakal (Kops, 2008, 8). Le mot Palenque serait l’équivalent espagnol de Otolum (« Terre des maisons solides »), nom donné par les Mayas Chol à la Cité. Au cœur de la forêt tropicale et bénéficiant d’une ambiance particulière, le site attire beaucoup de voyageurs au Chiapas. Il est considéré par Le Clézio comme « l’un des sites les plus prestigieux du monde » (OU, 280). Dans L’Inconnu sur la terre, l’auteur se fait chantre de la beauté des temples en ruine en offrant une belle description du site. Le passage rappelle pourtant une absence, celle de l’une des civilisations les plus prodigieuses de l’humanité : « Les temples abandonnés des hommes et des dieux sont habités par les insectes » (IT, 177).
Maryam Sheibanian
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
COLLIER, George et al., Land and the zapatista rebellion in Chiapas, Oakland, Food First Books, 2005 ; CORTANZE, Gérard (de), Le Clézio Vérité et Légendes, Paris, Éditions du Chêne, 1999 ; HIGGINS, Nicholas, Understanding the Chiapas rebellion, Austin, University of Texas Press, 2004 ; Institut National de la Statistique et de la Géographie (INEGI), « Perspectiva Estadistica Chiapas », 2011, URL : http://www.inegi.org.mx/est/contenidos/espanol/sistemas/perspectivas/perspectiva-chs.pdf, consulté le 15 décembre 2015 ; KOPS, Deborah, Palenque, Minneapolis, Twenty-First Century Books, 2008 ; LE CLÉZIO, J.-M.G., Le Livre des fuites, Paris, Gallimard, 1969 ; L’Inconnu sur la terre, Paris, Gallimard, 1978 ; Le Rêve mexicain ou la pensée interrompue, Paris, Gallimard, 1988 ; La Fête chantée et autres essais du thème amérindien, Paris, Gallimard, 1997 ; Ourania, Paris, Gallimard, 2006 ; MAYER, Jean, « L’initiation mexicaine », Le Magazine littéraire, numéro 362, février 1998, pp. 36-39 ; Le Service international pour la paix (SIPAZ), « Chiapas en données », URL : http://www.sipaz.org/populations-autochtones/?lang=fr, consulté le 15 décembre 2015 ; MENTINIS, Mihalis, Zapatista the Chiapas Revolt and what it means for radical politics, London, Pluto Press, 2006 ; ROSIER, Karine, « Exploitation et conservation des milieux forestiers du Chiapas (Mexique) », Les Cahiers d’Outre-Mer [En ligne], 218, Avril-Juin 2002, p. 223-248, mis en ligne le 13 février 2008, URL : http://com.revues.org/1113, consulté le 3 janvier 2016.
La Fête chantée et autres essais du thème amérindien ; L’Inconnu sur la terre ; Le Livre des fuites ; Le Rêve mexicain ou la pensée interrompue ; Ourania.
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Image: www.explorandomexico.com
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Le perroquet rouge (Ara Macao), espèce en voie d’extinction
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Femmes lacandones
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Amérindiens tzeltales
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Femmes Tzotziles
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Sous-commandant Marcos
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Bartolomé de Las Casas
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Belisario Dominguez
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